Réflexion proposée par Coralie Havas, coach à Grimpeuses dont vous pouvez découvrir le portrait dans cet article.
Nous traversons depuis plusieurs semaines une situation assez inédite de confinement. Et si l’on décidait de voir cette interruption de nos vies effrénées comme une "leçon" ? Comme un moyen de prendre une pause, de se recentrer sur soi, de créer le manque pour nourrir davantage la motivation future ? N’est-il pas un peu exaspérant de voir sur les réseaux sociaux des gens grimper sur leurs meubles à longueur de journée ? Quelle est leur volonté profonde hormis celle de faire encore plus de likes ? Sont-ils à ce point accros ? Cela ne frôle-t-il pas la bêtise ?
Parce qu’après tout, c’est "juste" de l'escalade, non ? La crise sanitaire et sociale que nous traversons est plus importante. Et les questions qu’elle pose sont essentielles. Au-delà de la politique, il est légitime de s’interroger sur l’humain. Comment gérer socialement l'après ? Les conséquences de la distanciation sociale : la peur de son voisin et les replis nationalistes. Allons-nous encore oser sortir ? On ne sait pas quand les salles ré-ouvriront, et alors ? Et si on ne demeurait pas égoïste, et si on arrêtait le temps d’un instant de privilégier notre pratique personnelle, face à ce qui se passe dans le monde ?
Peut-être que c’est utopiste mais n’est-ce pas le plaisir qui doit qui guider la passion, la mise en mouvement ? Et non pas une simple obligation… De nombreux grimpeurs semblent être guidés par la peur. Celle de régresser. Arriver moins fort à la salle, ne plus bouger dans son projet en falaise. Et du coup, ils cherchent tous les moyens possibles pour grimper (et c'est bien souvent contre-productif). Et s'ils se blessent ? Et s’ils sont contraints d'arrêter alors que tout le monde est dé-confiné ? Cela serait bien dommage… Cette trêve face à un monde où tout s’accélère, où tout se consomme et se détruit aussi vite peut être le temps de l’introspection. Qui suis-je si je ne grimpe pas ? On pourrait même découvrir que l’on sait et l’on peut faire autre chose. On pourrait se concentrer sur ce qui nous fait du bien en arrêtant de s’imposer des actions et en prenant le temps pour le repos. On pourrait aussi en profiter pour savoir pourquoi l’on grimpe réellement, si l’on allait dans la bonne direction avant cette interruption, quels sont nos objectifs et nos motivations profondes. On pourrait en profiter pour faire le point, sereinement. Et si justement, on oubliait quelques temps cette logique du toujours plus pour se recentrer sur ce qui nous fait réellement du bien ? Trop souvent, les réseaux sociaux nous font culpabiliser. Qu'en est-il de la grimpeuse/du grimpeur qui a décidé d'écouter son corps et de se reposer pendant ce temps de pause qui nous est accordé ? On voit tous des gens qui font des tractions et de la poutre a muerte, etc. Est-ce que c'est ça la solution ? Montrer que l'on est fort, déterminé, tout le temps à fond, impliqué dans sa pratique malgré tout (et un peu aveugle face aux réalités du monde, non ?). N'avons-nous pas droit à un temps de relâchement ? Finalement, on peut avoir l’impression que ces choses-là ne sont pas permises socialement... Et si l’on a envie de prendre le temps de s’entraîner, donnons-nous en a cœur joie ! Sans en oublier plaisir et avec libération en gardant à l’esprit l’évasion que procure la pratique sportive. Ne nous soumettons pas à la dictature de la performance, pensons avant tout à la bonne santé physique et morale, la nôtre mais aussi celle des gens autour de nous. C’est le plus important après tout, n’est-ce pas ?
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