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Grimpeuses

Tracer sa propre voie

Témoignage de Coralie Havas, coache et co-organisatrice de Grimpeuses, journaliste en alternance chez Outside.fr

Longtemps j’ai cru qu’il fallait que je réussisse pour être heureuse. Pour moi, cela signifiait viser la perfection dans tous les domaines. Les incertitudes m’effrayaient tandis que l’inconnu me terrifiait. Ma solution ? Tout contrôler, tout planifier, tout anticiper et travailler avec acharnement. Et tant pis si je ne savourais pas les mini-victoires et les précieux instants de vie, tant pis si je n’allais pas chercher la nouveauté, l’exploration.


Inconsciemment, j’ai peut-être cru que mes performances déterminaient la valeur que j’avais en comparaison aux autres. En gros, si je finis première de la compétition, je suis une personne géniale. Si je finis dernière, je suis bonne à rien. C’est avec cet état d’esprit que j’ai encaissé des 25e, 28e et même des 32e places. Ça n’a pas été pas facile. Mais pourtant, deux jours après, armée de mon sourire, je retournais à l’entraînement, prête à travailler dur pour devenir la meilleure. Non pas une meilleure personne mais la meilleure grimpeuse.


Sans spoiler, j’ai échoué.


Lorsque j’ai commencé la compétition, j’avais quinze ans. C’était assez tard parce que comme toujours, j’avais attendu d’être parfaitement sûre avant de me lancer. En toute humilité bien-sûr, ce qui me faisait rêver, au-delà des podiums, c’était que les gens « ordinaires » me voient comme étant « extraordinaire ». Même si je ne le formulais pas ainsi, j’avais besoin de cette reconnaissance sociale face aux efforts que je fournissais. Les médias y étaient pour beaucoup, je rêvais devant ces sportifs dont les journalistes faisaient l’éloge. Moi aussi, je voulais que l’on m’acclame.


Quand j’ai compris que je n’allais jamais y arriver, je me suis sentie mal. Mais ça ne m’a pas empêchée de m’entraîner dur, sans trop de raisons, sans trop d’objectifs. Tout simplement parce que cela faisait partie de ma vie. Parce qu’au-delà de la performance pure, ce que j’aime dans l’escalade, c’est la fluidité des mouvements et le contact avec le rocher. Et ça on ne peut ni le compter ni le classer.


Lors des compétitions, j’ai souvent eu une impression douloureuse : je ne me sentais pas à ma place parmi toutes ces filles. J’avais du mal à créer une relation avec elles qui étaient souvent sur la défensive et puis, je n’avais pas confiance car je venais d’un tout petit club. Mais j’ai persévéré, j’ai progressé sans pour autant réussir à m’intégrer. Sauf lorsque je sortais un bloc ou une voie, je n’ai pas été heureuse en compétition. Même si cela m’a appris des valeurs clés – discipline, persévérance et dépassement de soi -, en réalité ce à quoi j’aspirais était différent.


Depuis quelques mois, ce recul imposé a été nécessaire. J’arrive à mettre davantage de mots sur ces émotions nouvelles. J’ai compris qu’avant tout, j’aime m’entraîner. Que la satisfaction, je la trouvais quotidiennement à la fin d’une séance difficile, au contact avec le grès de la Capelle, lors d’une boucle de rési où je donne tout, au sommet d’un bloc enchaîné après de longues séances de travail. Non, pour être motivée, je n’ai pas besoin de compétition, d’objectifs à long terme, je n’ai pas besoin de plus si ce n’est davantage d’exploration. Tout ce qu’il me faut, ce sont ces petits détails que j’ai laissé de côté pendant trop longtemps. L’émulation, le partage, la découverte et le plaisir simple d’être sur ces rochers.

Avec l’escalade, je vis un peu plus fort. Mais parmi tous les apprentissages que ce sport m’a délivrés, je garde en mémoire l’essentiel : je suis libre de pouvoir être moi-même. Les barrières, c’était moi qui avais décidé de m’arrêter à leurs pieds, de ne pas les grimper.

Récemment, j’ai compris qu’il n’y avait pas de règle, que l’important c’est d’être totalement en accord avec soi-même.


Aujourd’hui, je ne m’interdis plus de rêver différemment, de ne pas coller aux attentes de la société, des médias et des autres. Même si le chemin est semé de doutes, je décide de tracer ma propre voie.


Et vous, quelle voie souhaitez-vous tracer ?

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