Icône féministe, notamment lorsqu’elle prononce “It goes boy” (“C’est bon les gars, vous pouvez y aller”), après la première ascension du Nose, une voie située sur El Capitan, en 1993, Lynn Hill a marqué l’histoire de l’escalade. Retour sur un parcours inspirant.
J’ai mis du temps à m’intéresser aux exploits de Lynn Hill. Certainement parce que pour la jeune grimpeuse que j’étais, les années 80, c’était la Préhistoire. C’est venu petit à petit, lorsque j’ai commencé à m’identifier aux figures féminines de l’escalade (même si je me suis tout autant inspirée des hommes, ce qui comptait pour moi étant les qualités mentales - dépassement de soi, discipline, persévérance).
À 17 ans, lorsque Caro m’a mis la biographie de Lynn Hill dans les mains, me disant que c’était un bon moyen d’améliorer mon anglais tout en découvrant l’histoire de cette “pionnière”, je savais vaguement que cette grimpeuse américaine avait libéré le Nose, une voie mythique sur El Capitan, au Yosemite, un big wall (une paroi de plusieurs centaines de mètres). Je percevais l'athlète, avec mes yeux d’adolescence quelque peu insolente, comme une vieille dame. Au fil des pages, j’ai compris que cette cinquantenaire était une grande figure de l’escalade.
Accepter d’être différente, de ne pas correspondre à ce que l’on attend d’elle
Lorsque Lynn Hill commence l’escalade, avec sa grande soeur et son copain, dans les années 70, l’escalade est un sport encore confidentiel – tous les grimpeurs sont d’ailleurs considérés comme marginaux. Première étape, et pas des moindres : accepter d’être différente, de ne pas correspondre à ce que l’on attend d’elle.
Si les débuts sont terrifiants, au vu des faibles compétences familiales, l’Américaine, alors âgée de 14 ans, se prend au jeu. Et elle est douée ! Rapidement, elle rejoint, les fameux “Stone Masters”, un groupe rassemblant de très forts grimpeurs, basé à l’origine en Californie du Sud et plus tard dans le parc national de Yosemite, composé entre autres de John Bachar, Ron Kauk, John Long, et réputé pour repousser les limites de l’escalade en libre. À l’époque, tout le monde grimpe en trad. Il est même interdit de poser des points d’ancrage sur le rocher. Et pour info, les salles d’escalade n’existent pas encore.
Une chute qui aurait pu lui être fatale
À 17 ans, elle gravit son premier big wall, un autre sport ! L’idée ? Emporter beaucoup d’équipement, de l’eau, de la nourriture, connaître les techniques de hissage de sac… C’est le début de la polyvalence. Quelques mois plus tard, Lynn Hill fait également un détour par les Rock Masters, l’une des premières compétitions d’escalade, à Arco en Italie. Un événement qu’elle perçoit comme une grande fête de l’escalade.
De passage en Europe, elle grimpe sur les falaises du Sud de la France, notamment à Buoux, dans le Luberon. Là-bas, en 1989, elle est à deux doigts d'y perdre la vie. Une chute de 22 mètres. À l’échauffement, dans un 6b. La faute à un noeud pas terminé et à un “partner check” absent… Heureusement, elle réussit à viser un arbre, situé entre deux blocs. Ce qui la sauve.
“It goes boy”
Si Lynn Hill est la meilleure grimpeuse américaine de sa génération, il faut attendre 1993 pour que son nom marque définitivement les esprits, avec une voie - The Nose, sur El Capitan dans le parc national du Yosemite - qu’elle est la première athlète à avoir libéré. “It goes boys” (“C’est bon les gars, vous pouvez y aller”) prononce-t-elle alors, non sans provocation, au monde de l’escalade. Inspirant !
ll y a quelques mois, j’ai eu l’occasion d’interviewer cette grande dame de l’escalade, pour Outside, le magazine dans lequel je travaille. Un échange très riche, où nous avons parlé d’escalade bien sûr, mais aussi de féminisme (à lire ici si ça vous intéresse). Âgée de 61 ans, Lynn Hill m’a confiée grimper encore, pour le plaisir, à Boulder Canyon, dans le Colorado notamment. Prochains projets à venir : un film aux côtés de Nina Caprez, ou encore l’ouverture d’une nouvelle voie avec Sasha DiGiulian, l’une des meilleures grimpeuses américaines du moment.
Evidemment, je ne peux que vous inviter à lire l’excellente autobiographie de Lynn Hill, “Ma vie à la verticale”
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